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Prononciation | Régionalismes | Lexique
LA PARLURE BEAUCERONNE

PARTICULARISMES DE PRONONCIATION

Voici quelques caractéristiques propres au parler, régional, populaire et familier de la Beauce :

• Les « h » ont tendance à être aspirés, parfois si fort qu’on peut penser que la personne manque tout à coup de souffle. Ainsi, « Ginette » se susurre Hinette, « Saint-Georges », se dit Saint-Horges et « Angélique » devient Anhélique. Si à Paris on déguste des « patates jaunes avec de la sauce », à Sainte-Marie, c'est des pétaques haunes pis du hus que manhe Gusse pendant que Marie-Ange (alias Hermaine) s’achète une hupe et un hapeau à Saint-Hoseph. Comme le classique Baisse ta hupe, les hambes te hèlent ! Que d'aspirations ! Ça inspire, n'est-ce pas ?

• Certains sons sont palatisés, c’est-à-dire qu’ils deviennent chuintants comme « rien », « diable » ou « tourtière » qui se prononcent rdjien, djiab’ et tourtchière; « J’haïs ça » se dit j'hadjis ça ! De même, « le gueuleton de Gusse » pourrait se prononcer le djeulton de Djusse et « équipolent », étchipolant. Quant au « cœur », qu’il soit à pointe croche ou droite, il se dit tcheur. Le pronom « lui » est parfois prononcé y ou dji, comme dans J'y ai dit, ou Ch' dji ai dit, voire Ch' dji ai djit.

• Le phonème « e » a tendance à se prononcer « a ». Ainsi, « elle » se prononcera alle, voire à; « personne » se dira parsonne; « essayer » s'entendra assayer et « va donc chercher » se criera charcher. Le même phénomène peut se rencontrer pour d'autres sons, comme pour le son « è ». On entendra éta pour « était », remarcier pour « remercier » et tomber à' renvarse pour « tomber à la renverse ». C'est également le cas pour le son « o ». Ainsi, « horloge » se dira harloge. Si on entend à l'occasion le mot « beurre » prononcé barre, la prononciation brre ou baeurre est plus fréquente.

• Le son « e » se substitue au son « i » dans menute (« minute »), vesite (« visite ») et cemetière (« cimetière »), notamment.

• Les Beaucerons ont tendance à prononcer « é » la où nous prononcerions « è ». Ainsi, en Beauce, on boit une biére au bard d’ la riviére Chaudiére avec son pére pis sa mére quand qu'on a féni d' s'occuper d’ ses afféres. C'est d'méme, on peut rdjien y fére ! Que voulez-vous !

• La nasalisation des finales « en » en in comme dans « naturellement » qui devient naturellemint. Monsieur Poulin se dira Monsieur Poulan à Paris mais deviendra Monsieur Poulin à Sainte-Marie !

• La diphtongaison du son « è », comme, par exemple, dans « chaise », « épaisse », « paire », « pêche », « verre », « neige » et « soir » (soèr).

• La suppression de certains sons, souvent à la fin des mots : le son « f » n’est pas prononcé dans « bœuf » et « neuf », qui se dit beu et neu, tout comme le son « s » n'est pas prononcé à la fin du mot « ours » qui se dit our. Il en est de même pour d’autres finales comme le « tre » de « notre autre ministre » (not’ aut’ miniss'), le son « ste » de « juste » qui se dit jus’, le « t » de « correct », (correk) ou le « l » de « impossible » (impossib’) et de « capable » ( capab’). « Plus » se prononce parfois p’us. « Quelque chose » ou « quelqu’un » se disent Que’qu’chose et que’qu’un. Un « élastique » devient un ’lastique, alors qu’une « secousse » se change en ’scousse (ou en escousse). Si, la plupart du temps, on ne prononce pas le « c » de la fin de la conjonction « donc » , il arrive qu'il le soit.

• La modification de certaines consonnes, comme, par exemple, « fatiguer » qui devient fatiquer, « calculer » qui se prononce carculer. À Sainte-Marie, on sollicite un entrequien avec la cuisigniére de l’Auberche d' la Hauguiére et non un « entretien avec la cuisinière de l’Auberge de la Chaudière ». De même, on parle de mariache, d'archent, de ménache, etc.

• L’ajout d'une consonne, comme le « r » dans gourpillon et le « t » dans icitte, litte, ou la modification de sons : le « gramophone » des Poulin est un graphophone pour Euhénie. Si à Paris, on ne badine pas avec l'amour, à Sainte-Marie, on ne bardine pas pantoute avec l'amour (quand qu'on patine pas). Signalons également l'expression ça l'a pour « cela a » comme dans Ça l'a pas d'allure. Ou l'expression « cela est » qui se dira ça l'a comme dans ça l'a arrivé. Cet ajout du « l » est, j'imagine, pour éviter de prononcer deux sons « a » l'un à la suite de l'autre. Dans le même ordre d'idée, on entendra la lampe à l'huile, la pompe à l'eau, et la prise à la terre (pour « la prise de terre »).

• Dans un contexte familier, les Québécois ont tendance à manger des syllabes et à faire de nombreuses élisions. Ainsi, ils diront familièrement À c't'heure qu'c'est çartain, à r'viendra !, mais diront, dans un contexte plus formel : Maintenant que c'est certain, elle reviendra !

• Le sujet « je », souvent employé (nous sommes tous le héros de notre propre vie, après tout !), a plusieurs prononciations et pourrait être orthographié phonétiquement des façons suivantes : H'ai pour « J'ai », Ch' sais pas pour « Je ne sais pas », Ch'u parti pour « Je suis parti ». Afin de ne pas compliquer la lecture des dialogues, je n'ai retenu que la transcription phonétique de ch'u.

• Enfin, il arrive qu'un Québécois voulant bien pèrler, s'enfarge dans les fleurs du tapis et fasse une liaison erronée – une liaison fatale -, mais aussi, le plus souvent, drôle car inattendue !

Bien sûr, depuis l'époque révolue de cette adaptation qui se situe en 1927-1928, ces particularismes ont eu tendance à s’estomper avec le niveau d’éducation plus élevé et les influences du parler de la radio et de la télévision notamment. Ainsi, la langue populaire se maintient dans la couche la plus ancienne de la population et subit un recul progressif inéluctable, parce qu'elle demeure liée à un mode de vie rural, à des croyances et à des coutumes ancestrales qui disparaissent peu à peu 1. Il en reste donc encore quelque chose.

Le théâtre portant une part d’exagération, certaines prononciations anciennes ont été maintenues, voire amplifiées. On retrouve ces particularismes de prononciation chez presque tous les Beaucerons, mais avec une fréquence variée. Ainsi, ils vous surprennent au détour d’une phrase alors que votre interlocuteur ne veut rdjien laisser transpirer de ses origines beauceronnes, ou de façon tout à fait inattendue alors que vous prenez jus’ une biére pour parpailler.

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1.BÉLANGER, France, Sylvia BERBERI, Jean-René BRETON, Daniel CARRIER, Renald LESSARD et la Société du patrimoine des Beaucerons, La Beauce et les Beaucerons. Portraits d’une région 1737-1987, Saint-Joseph-de-Beauce, 1990, X-381 p., ill., p. 275.

LE LANGAGE ET L'ACCENT LORS DES REPRÉSENTATIONS

L'accent de la parlure beauceronne est celui que l'on retrouvait au nord de la Beauce en 1927-1928 où se situe Sainte-Marie, lieu de l'action. Adélard Cliche vient de Saint-Joseph et il n'y a pas de différence notable d'accent avec Sainte-Marie.

Cet accent est différent du sud de la Beauce, plus influencé par l'anglais étant collé à la frontière (Sainte-Marie est à 150 km des lignes, alors que Saint-Georges est à moins de cinquante kilomètres de Jackman) M. Cliche père est né à Saint-Théophile près de Saint-Georges et utilise plus de mots anglais que les Poulin.

Quant à M. Beauregard, il vient de Montréal, la métropole canadienne de l'époque. Il roule les « r », dit garâge et pôteau, sinon, il parle avec l'accent de Sainte-Marie où il est arrivé à l'âge de deux mois.

Bien sûr, Richard et son père viennent de Paris et on l'accent de la Ville Lumière.

Sans vouloir me substituer au metteur en scène, il m'apparaît important de signifier que l'accent qui sera choisi pour jouer cette adaptation ne doit pas entraîner une caricature, particulièrement pour la « parlure ». Il faut, je pense, rechercher une certaine authenticité sans rendre la compréhension du spectateur ardue, voire impossible au point de lui gâcher le plaisir par excès de rigidité ou par réalisme hypertrophié. Ainsi, il n'est pas nécessaire de faire dire au comédien : Eh, Djusse, el' tchuré d'Saint-Horhes, ça c't'un bon chrétchien ! pour Eh, Gusse, le curé de Saint-Georges, ça c'est un bon chrétien. Peut-être serait-il plus juste de lui prêter cette prononciation : Eh, Gusse, le curé d'Saint-Horges, ça c't'un bon chrétchien !

Si nous nous référons aux pièces et aux films de Marcel Pagnol ou à Dom Camillo, nous tombons sous le charme parce que les acteurs n'en remettent pas et ne cherchent pas à coller au parler du plus extravagant des Provençaux. Il en est de même pour le brusseleer que tout le monde comprend, même à Paris, car les acteurs usent de retenue et ne forcent pas la note.

On pourrait aussi distribuer parmi les personnes des accents plus ou moins forts. Ainsi, l'accent de Marie, rôle principal, pourrait être plus léger, donc plus facile à comprendre pour les spectateurs non initiés. Par contre, M. Poulin, la plupart du temps coléreux et nerveux, parle très vite et pourrait avoir un accent plus prononcé, rendant la compréhension plus difficile pour Richard. Cela apporterait de la variété et permettrait de faire valoir les différences d'accent de cette partie de la Beauce.

Il est de même pour l'accent parisien qui ne devrait pas être exagéré.


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